mardi 30 mars 2010

Commémorations...


Nous voici dans une période faste pour tous ceux qui veulent commé- morer les événements survenus il y a cinq cents ans, donc dans les premières décennies du XVIe siècle. Nous avons eu l'"Année Calvin", nous avons commémoré en 2009 le cinquième centenaire de la naissance du libraire et imprimeur Étienne Dolet, mais nous sommes aussi engagés depuis quelques années, et souvent en France sans le savoir, dans la commémoration des origines de la Réforme luthérienne (affichage des 95 Thèses de Martin Luther à Wittenberg en 1517).
En effet, la décennie 2008-2017 a été désignée en Allemagne comme la "Luther Dekade" (= la décennie de Luther). Chaque année est consacrée à un thème particulier en rapport avec la Réforme, la commémoration culminant bien sûr avec l'année jubilaire de 2017.
Le thème de 2010 est celui de "Réforme et éducation", et la figure centrale choisie pour l'illustrer celle de Philipp Melanchton, surnommé Praeceptor Germaniae (2010 marque aussi le 450e anniversaire de la mort de Mélanchton, en 1560) : c'est un thème qui intéresse bien sûr les historiens du livre. Mais notons tout de suite, concernant toujours l'histoire du livre, le thème de 2014, "Réforme et pouvoirs", qui peut aussi inclure des problématiques relatives à la censure et au contrôle des livres. Surtout, 2015 portera sur "la Réforme, l'image et la Bible", et la présentation officielle souligne le fait que "la Réforme devient [= marque] aussi une révolution des médias" (Medienrevolution).
Les hommes de la fin du XVe et du début du XVIe siècle ont dû apprendre à vivre en utilisant le nouveau média de l'imprimé, mais ils ont aussi dû apprendre à vivre "ensemble" alors même qu'ils avaient des sensibilités religieuses et des intérêts matériels divergents. On le voit, c'est peu de dire que leur expérience, souvent hélas malheureuse, nous intéresse très directement aujourd'hui, nous, leurs héritiers du début du XXIe siècle, confrontés à la révolution des "nouveaux médias", et auxquels l'appartenance religieuse tout comme le fonctionnement du lien social font toujours problème.
Et pour nous autres, hommes du XXIe siècle, il est tout aussi intéressant d'observer quels sont les attendus de telle ou telle commémoration. Qui, en définitive, avons-nous commémoré en éditant un timbre à l'effigie d'Étienne Dolet, imprimeur et libraire, en 2009 (voir cliché ci-dessus)? L'historien, qui est un scientifique, devra toujours rester sensible au danger d'instrumentalisation de certaines grandes figures de l'histoire: Dolet sera-t-il le chantre de la liberté de la presse (un problème qui ne se posait certes pas dans ces termes au XVIe siècle), ou celui de la Libre Pensée (un problème qui, Lucien Febvre nous l'a montré, ne se posait pas non plus dans ces termes, toujours au XVIe siècle) ? Ce qui n'enlève rien au caractère tragique de son destin, ni à la volonté qui a certainement été la sienne, de faire connaître à ses contemporains ce qu'il pensait être le bien, pour essayer de le promouvoir.
Quoi qu'il en soit, nous aurons sans doute l'occasion de revenir sur les manifestations de la "Luther Dekade", quand elles touchent à l'histoire du livre, mais on peut d'ores et déjà s'informer directement sur le site officiel : http://www.luther2017.de/ (information fournie en allemand et en anglais).

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