jeudi 15 avril 2010

Sébastien Gryphe

Quid novi ? Sébastien Gryphe, à l’occasion du 450e anniversaire de sa mort. Actes du colloque, 23 au 25 novembre 2006, Lyon-Villeurbanne, Bibliothèque municipale de Lyon, enssib,
sous la direction de Raphaële Mouren,
préface de Patrice Béghain,
Villeurbanne, Presses de l’Enssib, 2008,
535 p., ill., index nominum.

Cet ouvrage n'est pas tout à fait nouveau, mais il est utile de revenir sur sa publication. Nous évoquions en effet il y a peu la problématique de la commémoration et celle de l’émigration: nous les retrouvons toutes deux dans le cas de Sébastien Gryphe, originaire du Wurtemberg (il est né à Reutlingen en 1493), ayant un temps travaillé à Venise avant de venir à Lyon vers 1523 et de s’y établir durablement. Gryphe décède en 1556, de sorte que les historiens du livre pouvaient légitimement commémorer en 2006 l’anniversaire de la disparition du plus grand libraire imprimeur lyonnais du XVIe siècle, et revenir encore une fois sur cet «âge d’or» du livre imprimé lyonnais qui se refermera avec le déclenchement des Guerres de religion.
Sous la houlette de Raphaële Mouren, inspiratrice et organisatrice de la manifestation, dix-sept communications en français et en italien traitent de la plupart des facettes de l’activité de Gryphe. Parmi ces différents textes, les bibliographes apprécieront l’étude de Martine Furno sur le «Catalogue Gryphe» que Conrad Gesner a inséré dans ses Pandectes; Lyse Schwarzfuchs (qui vient de publier une bibliographie des éditions lyonnaises du XVIe siècle tout ou partie en hébreu) traite de l’hébreu chez Gryphe; les rapports de Gryphe avec Dolet et avec Rabelais sont envisagés respectivement par Jean-François Vallée et par Mireille Huchon. Une mention particulière sera faite du travail d’un groupe d’élèves conservateurs de l’Enssib qui ont systématiquement étudié deux années de la production de Gryphe (1538 et 1550): outre l’intérêt scientifique de leur apport, il est essentiel d’associer le plus possible les futurs conservateurs aux travaux de recherche relevant de leur domaine privilégié – le livre imprimé.
Deux communications s’attachaient en outre au statut des éditions de Gryphe auprès des collectionneurs bibliophiles des XVIIIe et XIXe siècles: Sophie Renaudin étudie le cas d’Antonio Magnani à Bologne, tandis qu’Yves Jocteur-Montrozier témoigne du long désintérêt des amateurs lyonnais pour celui qualifié pourtant de «prince des libraires» à l’époque de la Renaissance.
Au total, ce recueil constitue une somme précieuse, qui prendra place dans les titres fondamentaux consacrés à l’histoire du livre et à l’histoire de Lyon à l’époque de la Renaissance.
Deux remarques plus problématiques, pour finir.
Il existe, à Lyon, une rue Sébastien Gryphe, rue sans beaucoup d’âme du quartier de La Guillotière et dont Yves Jocteur-Montrozier nous apprend au passage (p. 438) qu’elle n’a été «baptisée» que tardivement, en 1879. Il y a seulement quelques années, une conversation de hasard avec des habitants de cette rue même nous a montré qu’ils ne savaient absolument rien du personnage auquel ils devaient leur adresse...
Quant au rôle de Lyon comme l’une des capitales internationales de la «librairie», il a pratiquement disparu dans la seconde moitié du XVIe siècle pour ne jamais réellement revenir. L’édition est aujourd’hui en France l’une des plus concentrées du monde, sur le plan économique (avec la constitution progressive des grands conglomérats éditoriaux), mais aussi géographique (avec la réunion dans la capitale de la plupart des maisons «qui comptent»).
Il resterait à Lyon à dépasser dans le domaine des activités de l’imprimé, voire des médias, le stade de l’incantation rétrospective, même savante, pour reconquérir une place pour laquelle sa taille et sa situation géographique la qualifient autant sinon plus que ses voisines d’Italie du Nord ou de Suisse. Mais ce n’est pas là le rôle des historiens, fussent-ils historiens du livre…

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