lundi 26 septembre 2011

En Transylvanie

La principauté de Transylvanie forme un ensemble très complexe. Abritée vers l’extérieur par l’arc des Carpates (Carpates du sud et Carpates de l’est), elle est un pays de plateaux et de collines, et surtout un véritable château d’eau pour les régions qui l’entourent. Dans ce cadre coexistent plusieurs «nations» et religions, les Hongrois et les Roumains, mais aussi les Saxons venus d’Allemagne, les Tsiganes, etc.
Vers l’Est, la Transylvanie, longtemps principauté vassale de la Porte, est comme encadrée par les deux principautés roumaines historiques, la Valachie (Bucarest) et la Moldavie (Iașy).
Comme nous le soulignions dans un précédent billet, la principauté possède de très remarquables bibliothèques anciennes, témoignage d’un passé particulièrement riche sur le plan culturel. À Alba Julia (Gyulafehérvár / Karlsburg), une imposante forteresse à la Vauban tient la frontière orientale face aux Ottomans, mais la cathédrale abrite les tombeaux de la famille Hunyadi, celle même du roi Matthias Corvin. Si l’on ajoute que c’est à Alba Iulia qu’a été votée, en 1918, l’union des trois provinces devant constituer la Roumanie nouvelle (Roumains et Saxons se sont prononcés pour le rattachement de la Transylvanie), on comprendra que nous sommes devant une ville chargée de lourds symboles.
Mais Alba Iulia conserve aussi une institution célèbre auprès des historiens du livre: il s’agit du Batthyaneum, du nom de son fondateur. Le comte Ignaz Batthyány naît en 1741 au château de Neméthújvár (auj. Güssing, en Autriche). Il fait ses études au collège des Piétistes de Pest, puis dans différents séminaires et universités, avant de passer son doctorat en théologie au Collegium Germanicum et Hungaricum à Rome. D’abord chanoine à Eger, puis grand-prévôt d’Esztergom (la primatiale de Hongrie), il est nommé évêque de Transylvanie en 1780 par Marie-Thérèse. La période est difficile, et marquée par les dispositions libérales prises par l’empereur Joseph II, en partie contre l’Église catholique.
Batthyány est pourtant un homme des Lumières, qui caresse le rêve de fonder à Alba Iulia une académie, dans les locaux de l’ancien couvent des Trinitaires.
L’entreprise restera inachevée, avec la création d’un observatoire en 1792, et le legs de la bibliothèque de l’évêque, en 1798: même si l’établissement ne peut pas être ouvert immédiatement, la collection est destinée à devenir une bibliothèque dite «publique». Parmi les pièces exceptionnelles conservées à Alba Iulia, on rappellera l’évangéliaire carolingien de Lorsch (la seconde partie est au Vatican) et un grand nombre de manuscrits, un fonds de quelque six cents incunables et un riche fonds d’imprimés anciens, parmi lesquels des monuments de la typographie roumaine –sans oublier la collection de numismatique.
Mais, fait encore plus étonnant, la bibliothèque elle-même, en tant que local, est conservée pratiquement sans modifications depuis le tout début du XIXe siècle, au deuxième étage de l’ancienne église: le cadre de classement systématique et les livres n’ont pas bougé, les rayonnages peints de gris s’alignent toujours le long de la salle, tandis qu’un deuxième niveau est accessible en mezzanine.
Le programme iconographique est en cours d’étude, qui associe des scènes faisant référence à la création de la bibliothèque, et des figures de grands auteurs de l’Antiquité, sans oublier le portraitdu fondateur.
La Bibliothèque a commémoré en 2011 le 270e anniversaire de la naissance d’Ignaz Batthyány, par la mise en place d’un impressionnant buste de l'évêque, par une exposition, et par la publication d’un riche volume d’études (textes en roumain, français, allemand, anglais et hongrois): Batthyaneum. Omagiu fondatorului Ignatius Sallestius de Batthyan (1741-1798), Bucureşti, Editura Bibliotecii Naṭionale a României, 2011, 273 p., ill. (ISBN 978 973 8366 18 3). Sous la direction de Doina Hendre-Biro, conservateur en charge de la Bibliothèque, c'est là un ensemble d’études parfaitement réussi, et destiné à prendre place parmi les usuels de toute collection encyclopédique d’histoire du livre.
Clichés de Transylvanie, septembre 2011.

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