dimanche 30 novembre 2014

Conférence d'histoire du livre

École pratique des hautes études,
IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 1er décembre 2014
16h-18h

"Une histoire de la librairie parisienne (1)"

par
Monsieur Frédéric Barbier,
directeur d'études
Nota: La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. (190 avenue de France, 75013 Paris, 1er étage, salle 115). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux.
Accès les plus proches (250 m. à pied):Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare.
Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterrand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64.

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).

Conférences d'histoire du livre

École pratique des Hautes Études, IVe Section
Conférence d’Histoire et civilisation du livre 

Conférence de Madame Emmanuelle Chapron,
chargée de conférences à l’EPHE,
maître de conférences à l’Université d’Aix-Marseille,
membre de l’Institut universitaire de France (junior) 

Année universitaire 2014/2015
«Histoire de l’édition pédagogique au XVIIIe siècle» 

lundi 2 mars 2015, 14h-16h
lundi 16 mars 2015, 14h-16h
lundi 30 mars 2015, 14h-16h
lundi 4 mai 2015, 14h-16h

Les thèmes précis des conférences seront le moment venu annoncés sur ce blog.

Les conférences ont lieu dans les locaux de l’EPHE,
190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage, salle 124).

vendredi 28 novembre 2014

Le "First Folio" audomarois

Nos grandes bibliothèques possèdent encore bien des ouvrages, entrés le plus souvent à l’époque de la Révolution et plus ou moins bien conservés et identifiés depuis lors. Sans revenir sur les pertes survenues à l’occasion des saisies, l’histoire chaotique des bibliothèques françaises pendant une quarantaine d’années au moins, de 1789 à la Monarchie de juillet, explique que bien des découvertes restent aujourd'hui à y faire. Les plus grandes villes, qui disposaient de professionnels ayant les compétences indispensables, ont bien évidemment été favorisées: pour autant, les plus prestigieux établissements réservent toujours des surprises au chercheur, comme avec cette identification récente, à la Mazarine, d’un exemplaire de la Bibliographie de Gesner portant une mention d’acquisition de Gabriel Naudé…
Mais dans beaucoup de cas, les compétences nécessaires pour l’identification et le catalogage des titres n’étaient pas disponibles, et la décision prise, d’ouvrir, dans chaque École centrale, un cours de bibliographie (entendons, la science des livres et des textes), n’a été appliquée que de manière exceptionnelle. Le travail d’identification est compliqué parce que l’on n’a pas toujours les usuels de références qu'il faudrait (surtout lorsque l’exemplaire à cataloguer est incomplet), même si la documentation aujourd’hui accessible par Internet a considérablement amélioré les choses. Là où les bibliothèques allemandes disposent de répertoires collectifs qui tendent à l’exhaustivité pour les exemplaires des XVe, XVIe, XVIIe et aujourd’hui XVIIIe siècles, nous en sommes encore à attendre l’achèvement des catalogues régionaux d’incunables (déposé depuis plus de trente ans, le catalogue du Nord- Pas-de-Calais n’a jamais été publié...), et le travail sur certaines richissimes collections du XVIe siècle reste pratiquement tout à faire.
Confier les collections anciennes à des spécialistes compétents, auxquels on donnera autant que possible les moyens de travailler, constitue la meilleure manière non seulement de valoriser ces fonds, mais même de les sécuriser. C’est donc avec le plus grand plaisir que nous saluons la découverte faite par notre collègue Rémy Cordonnier, conservateur à Saint-Omer, d’un exemplaire de l’édition des Œuvres de Shakespeare dite «First Folio» de 1623 conservé dans son fonds mais qui n’avait jamais été identifié.
Shakespeare est décédé depuis sept ans, quand un groupe réunissant des acteurs et des professionnels du livre (Edward Blount et Isaac Jagard) décide de s’engager dans une édition réunissant trente-six de ses pièces. Le tirage sera de l’ordre de 750, mais la mise en livre est remarquable, avec le portrait de l'auteur en frontispice, et le choix du format in-folio: il s'agit de manifester une volonté de distinction, pour un recueil de pièces de théâtre assimilées à des amusements plus ou moins «populaires». Apparemment, le prix de vente à l’exemplaire ne dépassait pas 1£. L’importance du First Folio apparaît si l’on considère que dix-huit des titres qu’il contient ne sont connus que par la tradition de cette édition. Pourtant, il ne deviendra un objet de collection et de bibliophilie que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.
L’exemplaire de Saint-Omer, qui est incomplet du début (la page de titre et le portrait de l’auteur font notamment défaut), a certainement appartenu à un catholique anglais réfugié en France à l’époque de la Réforme. Saint-Omer a accueilli une communauté anglaise active, pour laquelle fonctionne un temps le «Collège des jésuites anglais» (où on crée aussi une imprimerie). Il est hautement vraisemblable que le Shakespeare de 1623 est entré, peut-être par legs, dans leur bibliothèque. Lors du départ des Jésuites, en 1762, les activités du collège se poursuivent plus ou moins, jusqu’à sa fermeture trente ans plus tard: les collections de livres confisquées sous la Révolution sont alors réunies dans les nouveaux dépôts littéraires (à Saint-Omer, au Collège français). L’étude des particularités d’exemplaire du First Folio audomarois pourra, peut-être, nous éclairer sur sa provenance, d’autant plus que l’oubli dans lequel il est resté depuis plusieurs siècles lui a évité certaines restaurations bibliophiliques qui ont aussi eu pour effet de détruire les sources éventuelles.
Terminons sur une note plus ironique: si nous sommes gré à la presse périodique de nous avoir informés de cette précieuse découverte, bien des informations données par les articles de journaux ici ou là dénotent une méconnaissance remarquable du monde du livre. La Révolution n’a pas confisqué la bibliothèque des jésuites, puisque ceux-ci avaient été chassés du royaume trente ans plus tôt; un «ouvrage» (entendons, un exemplaire) n’est pas une «deuxième édition originale»; Saint-Omer, ni même l’abbaye de Saint-Bertin, ne possédait probablement pas la «quatrième bibliothèque d’Occident» à la fin du Moyen Âge, etc. Mais il ne faut pas bouder notre plaisir: le travail des bibliothécaires contribue à enrichir le patrimoine national, comme le montre l’odyssée du Shakespeare audomarois, lequel serait le 233e exemplaire connu aujourd’hui conservé de cette édition réellement exceptionnelle. 

NB- La lecture de H. Piers, Notice historique sur la Bibliothèque publique de la ville de St-Omer (Lille, 1840) donne une idée de la situation chaotique qui a été celle des collections audomaroises, notamment à l'époque de la Révolution.

lundi 24 novembre 2014

Histoire du livre et histoire des langues

Cf légende infra, à la fin du texte
Les premières décennies du XVIIe siècle sont un temps de rupture dans l’histoire de l’érudition, du livre et des bibliothèques en Europe. Nous avons trop insisté pour qu’il soit pertinent de revenir encore une fois sur l’émergence, à Leyde comme à Oxford, à Milan, à Rome et à Paris, d’un nouveau modèle de bibliothèque, où les livres sont disposés sur les rayonnages d’une grande salle de travail, et qui est libéralement accessible au public des lecteurs. La bibliothèque s’impose comme le laboratoire où une connaissance rationnelle peut s’élaborer, et la publication de l’Advis pour dresser une bibliothèque, de Gabriel Naudé, à Paris en 1627, marque à cet égard une date emblématique. Dans le même temps, on s’inquiète de faire circuler les informations: des catalogues sont imprimés, soit catalogues de bibliothèque (à Leyde), soit catalogues collectifs (comme le catalogue des manuscrits de Belgique publié par Sanderus, en 2 volumes, à Lille en 1643).
La ville de Strasbourg, encore pour quelque temps une petite république indépendante membre du Saint-Empire romain germanique, s’insère elle aussi dans cette chronologie, avec la construction et l'organisation d’une bibliothèque moderne dans le cadre de la Haute École (Académie). Quelques années plus tard, l’Académie reçoit de l’empereur le privilège d’université de pleins droits.
À Paris, les Mauristes se lancent parallèlement dans leur gigantesque travail de collecte et de critique des sources: l’animateur de l’enquête est Dom Luc d’Achery (1609-1683), le savant bibliothécaire de Saint-Germain des Prés. C’est lui qui, en 1664, appelle Dom Jean Mabillon, et le forme à la recherche. Huit ans plus tard, en 1672, Mabillon entreprend un premier voyage d’étude et de collecte dans les grandes bibliothèques des maisons religieuses des «anciens Pays-Bas». Il gagne Lille, d’où il continue, d’abord à pied, vers Tournai, puis Saint-Amand et Saint-Ghislain, avant de poursuivre vers le nord jusqu’à Louvain. Il reviendra à Paris par Saint-Bertin, Saint-Riquier et Beauvais.
L’abbaye de Saint-Amand est précisément alors dirigée par Dom Jacques Dubois, qui travaille notamment à en enrichir la bibliothèque, et qui la fait reconstruire. Le fonds des manuscrits est déjà en partie connu, puisque son catalogue préparé par Dom Ildephonse Goetghebuer (285 manuscrits) avait été publié dans le premier volume de Sanderus. Mabillon, qui ne reste certainement que quelques jours à Saint-Amand, y découvre pourtant un manuscrit du IXe siècle, figurant d’ailleurs dans Sanderus (n° 112 F): il s'agit de sermons de Grégoire de Naziance, à la fin desquels le savant bénédictin a l’attention attirée par quelques feuillets portant une suite de textes plus courts, les uns en latin, les autres en langue vernaculaire, roman et vieil haut-allemand. Il a certainement remarqué le texte de la Cantilène de sainte Eulalie, aujourd’hui célèbre pour constituer le plus ancien texte connu en langue française, mais son attention se porte aussi, sur le même feuillet, par ce qui semble être un poème en vieil haut-allemand. N’étant pas lui-même germaniste, il ne peut le publier, mais en prend rapidement la copie.
Dom Mabillon, à St-Germain-des-Prés
Presque vingt ans plus tard, en 1689, Mabillon confie celle-ci à Christian Wilhelm von Eyben, alors conseiller du duc de Brunswick-Lunebourg, lequel la transmettra pour expertise à un correspondant strasbourgeois, Johann Schilter (1632-1705). Ce dernier est né à Pegau, aux portes de Leipzig, et a fait ses études à Iéna et à Leipzig, avant de venir d’abord à Francfort-s/Main, puis à Strasbourg, comme juriste et spécialiste de l’histoire du droit germanique (1686). Également professeur à l’Université, c’est lui qui, en définitive, publie pour la première fois le Ludwigslied de Saint-Amand, un des monuments de la littérature allemande, à Strasbourg en 1696 (deuxième éd. augm., Ulm, 1727).

Les pièces liminaires, deux lettres de Schilter à Mabillon et plusieurs autres documents, permettent de reconstituer le cheminement du dossier –ce qui est toujours de bonne méthode archivistique. Dans l’intervalle en effet, Mabillon avait souhaité reprendre son étude et disposer pour ce faire d’une collation précise du manuscrit, collation qu’il ne lui avait certainement pas été possible de prendre lors de son trop bref passage de 1672. Il s’adresse pour ce faire à Dom de Loos, qui se rend de Tournai à Saint-Amand au début de 1693: malheureusement, une voûte de la nouvelle bibliothèque s’est effondrée, les volumes sont restés en désordre (apparemment, les religieux manifestent moins d’intérêt pour leur bibliothèque…), et le manuscrit reste introuvable – comme Dom de Loos, le déplore, dans sa lettre du 9 mars à son savant confrère parisien.
Si la publication de 1696 donne par conséquent l’état de la question à cette date,  elle constitue aussi un exemple emblématique de la collaboration engagée au sein des réseaux savants européens, pour approfondir un problème scientifique. Par ailleurs, la plaquette illustre pleinement la mise en œuvre de la méthode historico-critique dans le champ de la philologie allemande: après les pièces liminaires, Schilter publie en effet le texte d’origine, et en propose une traduction latine suivie de commentaires  détaillés. De plus, le texte est enrichi de deux planches en dépliant, la première donnant un fac-similé d’inscription en vieil haut-allemand, et la seconde, une généalogie de la dynastie carolingienne. On rappellera, à titre ici plus anecdotique, que le manuscrit de Saint-Amand, avec la Cantilène de Sainte-Eulalie, ne sera redécouvert qu’après son transfert au dépôt littéraire de Valenciennes sous la Révolution, et par un autre philologue allemand, Hoffmann von Fallersleben (1837).
Quand au libraire qui a financé la publication, Johann Reinhold Dulsecker (parfois orthogr. Dulssecker, 1667-1737), il mériterait certainement une étude plus poussée, comme étant l’un de ces acteurs discrets, mais réellement importants, ayant travaillé à la diffusion de connaissances scientifiques parfois très novatrices à Strasbourg au tournant du XVIIIe siècle. On ne peut que souligner le soin donné à la qualité matérielle de la plaquette, avec notamment la présence d'un cuivre gravé censé illustrer la bataille de Saucourt-en-Vimeu dont il est question dans le texte (cf cliché).

Epinikion rythmo teutonico Ludovico regi acclamatum, cum Morthmannon anno 881 vicisset, per Jo. Mabillon descriptum, interpretatione latina et commentatione historia illustravit Jo. Schilter, Argentorati, Sumptibus Joh. Reinholdi Dvlsseckeri, 1696, ill., 2 tabl. dépl.
Mangeart, n° 143 (ancien B-5-15). Molinier, n° 150.

samedi 15 novembre 2014

Calendrier des conférences

École pratique des hautes études,
IVe Section (Sciences historiques et philologiques)
Conférence d’Histoire et civilisation du livre

Calendrier des conférences pour l’année universitaire 2014-2015
Monsieur Frédéric Barbier, directeur d’études, directeur de recherche au CNRS (IHMC/ ENS Ulm), membre de l’Institut d’études avancées de l’Université de Strasbourg
Monsieur Pedro M. Catedrá, professeur à l'Université de Salamanque, directeur d'études invité étranger
Madame Emmanuelle Chapron, maître de conférences à l’université de Provence, membre de l'Institut universitaire de France, chargée de conférences à l'EPHE. Calendrier des conférences de Madame Chapron.
Monsieur Jean-Dominique Mellot, conservateur général à la Bibliothèque nationale de France

Attention:
La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. Elle se déroule au 190 avenue de France, 75013 Paris (1er étage).
Les conférences sont tenues par Monsieur Frédéric Barbier, sauf indication contraire. 

Le présent calendrier est donné à titre temporaire.
Il sera modifié en fonction des informations qui nous parviendront. 

2014
1er décembre 1- Ouverture de la conférence. Une histoire de la « librairie parisienne » (1)
8 décembre 2- Une histoire de la « librairie parisienne » (2)
15 décembre 3- Une histoire de la « librairie parisienne » (3)
22 décembre Pas de conférence (vacances de Noël)
29 décembre Pas de conférence (vacances de Noël) 
2015
5 janvier 4- Une histoire de la « librairie parisienne » (4)
12 janvier 5- Une histoire de la « librairie parisienne » (5)
19 janvier 6- Un libraire parisien de la seconde moitié du XVIIIe siècle rédige son Journal : Siméon Prosper Hardy (1753-1789) (1), par Madame Sabine Juratic, chargée de recherche au CNRS (IHMC) 
26 janvier 7- Histoire des corporations du livre (1), par Monsieur Jean-Dominique Mellot
2 février 8- Un libraire parisien de la seconde moitié du XVIIIe siècle rédige son Journal : Siméon Prosper Hardy (1753-1789) (2), par Madame Sabine Juratic, chargée de recherche au CNRS (IHMC)
9 février 9- Les papiers dominotés, par Monsieur Marc Kopylov
16 février Pas de conférence (vacances d’hiver)
23 février Pas de conférence (vacances d’hiver)
2 mars 10-  Histoire des corporations du livre (2), par Monsieur Jean-Dominique Mellot
9 mars 11- Histoire d’un imprimeur, du XVe au début du XIXe siècle (1) 
16 mars 12- Histoire d’un imprimeur, du XVe au début du XIXe siècle (2)
23 mars 13- Histoire d’un imprimeur, du XVe au début du XIXe siècle (3)
30 mars-  Cette séance est reportée au 1er avril
1er avril 14- Visite guidée de l'exposition De l’argile au nuage: une archéologie des catalogues de bibliothèques (Bibliothèque Mazarine)  
6 avril Pas de conférence (lundi de Pâques)
Attention! 14 avril 15- Le texte se tait, c’est le typographe qui parle. Introduction et étapes de la typographie bodonienne, par Monsieur Pedro M. Catedrá. Cette séance aura lieu à la Bibliothèque Mazarine
20 avril Pas de conférence (vacances de printemps)
27 avril Pas de conférence (vacances de printemps)
4 mai 16- Bodoni, l’éditeur et le "politicien", de l’Europe des Bourbon à la France napoléonienne, par Monsieur Pedro M. Catedrá
11 mai 17- À la recherche de la perfection. Le point de vue technique: rivalité typographique et éditoriale avec Baskerville et conflit avec les Didot, par Monsieur Pedro M. Catedrá
18 mai 18- Une bibliophilie d’autrefois: Bodoni dans les bibliothèques européennes, par Monsieur Pedro M. Catedrá
25 mai 19-  Histoire des corporations du livre (3), par Monsieur Jean-Dominique Mellot
1er juin 20- Histoire d’un imprimeur, du XVe au début du XIXe siècle (4)
8 juin 21- Histoire d’un imprimeur, du XVe au début du XIXe siècle (5)
15 juin 22- Conclusion de la conférence: Histoire d’un imprimeur, du XVe au début du XIXe siècle (6)


Rappel
Le directeur d’études donnera trois conférences à l'Université de Montréal:

Lundi 24 novembre, 17h
L'abbaye d’Elnone / Saint-Amand et sa bibliothèque, VIIe-XVIe siècle
Centre d'études médiévales / Carrefour des arts et des sciences

Mardi 25 novembre, 12h
La Nef des fous au XVe siècle: programme éditorial, statut du texte et problématique de la réception
Bibliothèque des livres rares et des collections spéciales

Mercredi 26 novembre, 11h45
«De l'argile au nuage»: une archéologie du catalogue de bibliothèque
École de bibliothéconomie et des sciences de l'information (EBSI)

Attention: les sujets à jour des conférences de l'EPHE et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog (http://histoire-du-livre.blogspot.fr/). Par ailleurs, les auditeurs sont invités à se faire connaître à l’adresse frederic.barbier@ens.fr, de manière à recevoir par courriel les annonces hebdomadaires correspondantes. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez.
Il est rappelé que l'assistance aux conférences suppose d'être régulièrement inscrit auprès de l'École.
Transports en commun:
Métro, ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare (250 m. à pied). Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Un petit peu plus éloignés: Métro, ligne 14, station Bibliothèque François Mitterrand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand). 

dimanche 9 novembre 2014

Histoire du livre et histoire de la civlisation: le legs d'Aby Warburg

On parle beaucoup, en ce moment (disons, on parle… dans certains cercles quelque peu spécialisés) de l’Institut Warburg de Londres, dont le sort paraissait indécis il y encore quelques mois (et dont le sort reste d’ailleurs incertain, une décision de justice pouvant toujours en remplacer une autre).
L’Institut Warburg intéresse bien entendu au premier chef les spécialistes d’histoire de l’art et d’histoire de la civilisation, mais il intéresse aussi les historiens du livre et des bibliothèques. Plusieurs plans peuvent être privilégiés pour une brève présentation du dossier. Le personnage, d’abord: comme très souvent, l’étude micro-historique (une famille, une biographie, etc.) construit comme le miroir d’une époque, et nous informe très puissamment sur des phénomènes beaucoup plus larges. À la naissance d’Aby Warburg, en 1866, nous sommes à Hambourg quelques années avant l’unification allemande sous l’égide de la Prusse. L’environnement est celui de la plus puissante «ville libre et hanséatique», politiquement autonome, d’orientation protestante libérale, tournée vers la modernité et enrichie par une situation géographique au débouché de l’Elbe qui en fera à la fin du XIXe siècle le grand port de la seconde puissance mondiale, l’Allemagne wilhelminienne.
À Hambourg, nous sommes aussi sur une frontière, aux portes du royaume de Danemark (jusqu’à la Guerre des duchés, Altona est au Danemark), et en relations constantes avec les Pays-Bas, avec les Îles britanniques, et avec l’outre-mer. Les liens de toutes sortes entre Hambourg et Londres sont tout particulièrement denses (comme les administrateurs français ont pu s’en rendre compte, sous le Premier Empire, lorsqu’ils se sont employés à imposer la stratégie du blocus continental à ce qui était pour un temps devenu la nouvelle préfecture du nouveau département des Bouches-de-l’Elbe). Rapidement, les États-Unis deviennent aussi un partenaire privilégié.
Le milieu des Warburg est pleinement intégré à cet environnement transnational et polyglotte. C’est celui d’une famille fortunée de la communauté juive, dont l’activité est traditionnellement celle de la «haute banque», mais au sein de laquelle le capital culturel jouit toujours d’un statut privilégié (on pourrait évoquer une autre famille de banquiers juifs hambourgeois du premier XIXe siècle, celle des Heine). La tradition rapportée veut que, alors qu’il a treize ans, en 1879, le jeune Aby propose à son cadet de prendre plus tard les rênes de la banque, pendant qu’il se consacrerait quant à lui à l’étude, et qu’il constituerait une collection de livres que la banque, précisément, permettra de financer.
Sept ans plus tard, voici Aby étudiant, d’abord à Bonn et à Munich, mais surtout, en 1889, à la nouvelle Université impériale de Strasbourg –une institution au statut très particulier, puisqu’elle constitue la seule fondation d’un établissement d’enseignement supérieur général en Allemagne depuis les premières décennies du XIXe siècle, et qu’elle bénéficie, comme Université du nouveau Reichsland et comme vitrine de la réussite allemande, de moyens financiers et humains exceptionnels. C’est à Strasbourg que le jeune homme soutient en 1892 son doctorat, avec une thèse consacrée aux «Représentations de l’Antiquité dans la première Renaissance italienne d’après l’exemple de Botticelli» (Sandro Botticellis Geburt der Venus und Frühling. Eine Untersuchung über die Vorstellungen von der Antike in der italienischen Frührenaissance). La thèse, très innovante de par sa réflexion entièrement tournée vers la problématique des influences, des transferts et de l’interdisciplinarité, sera soutenue sous la direction de Hubert Janitschek (en place de Carl Justi, professeur à Bonn), et publiée en 1893, alors que l'auteur va bientôt entreprendre une série de voyages d’étude, d’abord à Florence, puis aux États-Unis.
La méthode de Warburg est directement liée au livre et à la bibliothèque. Selon la bonne tradition classique, la bibliothèque constitue pour lui comme la matérialisation d’une «Histoire littéraire» (Historia litteraria) qui se donne elle-même à comprendre comme une histoire de la civilisation (alld: Kultur) et de la construction de la pensée. La bibliothèque est, au sens premier du terme, le laboratoire du chercheur, et c’est dans cette perspective que Warburg entreprend de constituer à Hambourg sa propre collections de livres, collection qui sera bientôt transmuée en institut de recherche… avant d’être mise à l’abri à Londres à l’époque de la montée du nazisme.
Mais l’accumulation des livres n’est pas tout, et c’est dans l’environnement spécifique de la Bibliothèque universitaire et régionale (Universitäts-und Landesbibliothek) de Strasbourg que Warburg élabore l’essentiel de sa méthode de travail, qui se fonde d'abord sur une méthode de classement des livres. Après la destruction des richissimes bibliothèques de Strasbourg dans le bombardement du Temple Neuf en 1870, on entreprend très vite de reconstituer des collections livresques les plus importantes possible. L’opération est conduite sous la direction de Karl August Barack, nommé à la tête de la nouvelle institution, et la bibliothèque est d’abord abritée dans une partie de l’ancien Palais-Rohan, où s’installe aussi l’Université. Le cadre de classement systématique a été mis au point par le «premier bibliothécaire», le philologue et orientaliste Julius Euting, sur le modèle de la Bibliothèque universitaire de Tübingen où lui-même a exercé pendant quelques années.
Dans le Palais-Rohan, les pièces disponibles sont souvent relativement petites (on parlera de «cellules»), de sorte que la mise en place d’une topographie des volumes suivant leur systématique aboutit à réunir, dans chaque pièce, de petites collections organisées autour d’un certain thème, mais qui se prêtent à toutes sortes de mises en relations inattendues. Comme il est de règle en Allemagne, un point décisif réside dans la possibilité pour les enseignants et pour les étudiants les plus avancés d’accéder directement aux exemplaires (donc aussi, de changer de salle de consultation): à chacun de partir à la découverte, de construire son propre itinéraire de recherche, et d’expérimenter des associations d’idées et des hypothèses auxquelles il n’aurait jamais pensé a priori
La mise en place de la systématique, sa superposition à la topographie, et surtout l’accès direct aux rayons, sont les trois éléments que Warburg mettra en œuvre dans sa propre bibliothèque, transformée en centre de recherche en 1926, sur quatre étages, avec le choix d’un dispositif architectural qui prend la forme d’une élégante ellipse (cf cliché). La bibliothèque de Warburg constitue «l’expression la plus vivante et convaincante» (Ernst Gombrich) du rêve de son créateur, d’une Kulturwissenschaft (science de la civilisation) unitaire. Mais le temps n’est bientôt plus à la liberté de recherche et, quatre années à peine après la mort de Warburg, la bibliothèque sera discrètement transportée à Londres (1933). Souhaitons lui bon vent, et qu’en nos débuts du XXIe siècle nous ne défassions pas ce que les nazis n’ont pas pu détruire. Signalons aussi que la tradition de Warburg se retrouve dans quelques autres (trop rares) institutions comparables, notamment dans la Bibliothèque de Wolfenbüttel telle qu'elle a été conçue comme centre d'histoire du livre et de la civilisation par celui qui l'a réellement fondée une seconde fois, à savoir Paul Raabe.

Aby Warburg, Sandro Botticellis »Geburt der Venus« und »Frühling«. Eine Untersuchung über die Vor- stellungen von der Antike in der italienischen Frührenaissance
Positions : Inaugural-Dissertation, [Frankfurt a./M.], [s. n.], [1892].
Édition complète : Hamburg, Leipzig, Voss 1893.

mardi 4 novembre 2014

Trois conférences d'histoire du livre

Frédéric Barbier
directeur d'études à l'École pratique des Hautes Études
(conférence d'Histoire et civilisation du livre)

Trois conférences d'histoire du livre

Montréal, Université de Montréal


Lundi 24 novembre, 17h
L'abbaye d’Elnone / Saint-Amand et sa bibliothèque, VIIe-XVIe siècle
Centre d'études médiévales / Carrefour des arts et des sciences

Mardi 25 novembre, 12h
La Nef des fous au XVe siècle:
programme éditorial, statut du texte et problématique de la réception
Bibliothèque des livres rares et des collections spéciales

Mercredi 26 novembre, 11h45
«De l'argile au nuage»: une archéologie du catalogue de bibliothèque
École de bibliothéconomie et des sciences de l'information (EBSI)